Le 24 mai dernier, notre association avait organisé une journée de découverte des sols du vignoble de Rosenwiller (67). Ce parcours pédologique était animé par Dominique Schwartz, pédologue à l'IRD, professeur de géographie physique à l'Université de Strasbourg et membre d'honneur de notre association. Le parcours avait été mis en place conjointement avec Théo Einhart, vigneron à Rosenwiller, lequel avait creusé les trois fosses pédologiques qui ont servi de base au parcours.
C'est une petite quinzaine de personnes (vignerons, caviste, amateurs...) qui s'était donné rendez-vous ce mardi à Rosenwiller (67).
Ce petit village sis à côté de Rosheim, un peu à l'écart de la route du vin, est peu connu. L'organisation de la viticulture locale étant organisée essentiellement autour de récoltants-apporteurs, seule quelques viticulteurs produisent leurs propres vins. Du coup, les terroirs n'ont pas bénéficié par le passé d'une mise en valeur ou d'un classement qui aurait par ailleurs été largement justifiés. Situé à proximité de la vallée de la Bruche, la géologie des terroirs des collines entourant Rosenwiller est essentiellement d'origine triasique et à dominante calcaire, le Buntsanstein y étant inexistant. On peut le rattacher à un ensemble qui se poursuit au nord jusqu’à la colline de Molsheim, le tout étant coupé par le cours de la Bruche. Ce terroir constitue l’extrémité est du champ de faille de Saverne et sa limite est dessinée par la faille rhénane.
Le point de vue depuis la colline est splendide : au sud-ouest elle est dominée par le Mont Ste Odile, au nord-est on voit la cathédrale de Strasbourg qui pointe sa flèche vers le ciel.
Les trois fosses pédologiques qui ont servi de base à l'observation ont été creusées sur les lieux-dits Fleckstein, Albermohn et Westerberg.
Dominique Schwartz nous a largement commenté les fosses et les sols, partageant ses observations et son analyse.
Sur la carte géologique, le sous-sol relève essentiellement du Muschelkalk (Secondaire, Trias moyen -235 à -245 Millions d’années) caractérisé par le calcaire à entroques et les couches à Cératites. Par endroits sont signalées des dolomies.
Les fosses pédologiques ont permis de mettre en évidence la présence de cailloutis calcaire visibles en horizon C, en-dessous d’une couche d’environ 40 cm de terre brune. Le développement racinaire de la vigne, arrêté quasiment net au contact de ces cailloutis, a démontré de façon formelle l’obstacle chimique qu’il représente pour la plante. L’importance du choix du porte-greffe a ici été clairement illustré.
Dans la seconde fosse, on a pu observer la constitution d’une formation de pente enrichie en carbonate secondaire (carbonate de calcium dissout plus haut qui percole plus bas et précipite à cet endroit).
Dans les trois fosses la formation superficielle correspond au substratum, le terroir est homogène. On observe à chaque fois une présence importante de loess calcaire favorisant la réserve hydrique.
Différents types de calcaire ont pu être observés, avec des différences significatives de couleur et de dureté.
Après l’analyse des fosses pédologiques, Dominique Schwartz nous a amené au pied de pierriers. L’âge de ces tas de pierres médiévaux est évalué dans une fourchette allant de 600 à 1000 ans. Ces pierriers correspondent aux pierres retirées lors de défrichements médiévaux de la forêt par la communauté villageoise. Les explications furent passionnantes, tant sur les méthodes de datation que sur les estimations du temps nécessaire à leur constitution : Une communauté villageoise de cent personnes, travaillant cinq heures par jour durant les mois d’hiver, met ainsi deux ans pour défricher une surface de trente hectares et constituer un pierrier de 4800 mètres cubes…
Un pierrier médiéval
L’intérêt archéologique mais aussi environnemental de ces pierriers a été largement démontré, tant sur les plans de la faune et de la flore, que sur ceux de la régulation thermique et hydrique. Il serait grand temps de les reconnaître et de les protéger !
Cette journée fut vraiment très intéressante, Dominique Schwartz nous apportant des clés de lecture et de compréhension du terroir. Un grand merci pour ses compétences et sa disponibilité.
Le repas de midi a été pris au domaine Einhart et a été l’occasion de déguster les vins du domaine ainsi que ceux du domaine Kumpf-Meyer de Rosheim. Nous avons retrouvé dans ces vins l’horizontalité du calcaire et la finesse soyeuse de son grain, ces vins se définissant donc clairement comme des vins de lieux, des vins de terroir.
Michel Haber
Au top, Michel. Une journée très instructive. Désolée, de pas avoir réussi me libérer.